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Edito

Par Christian Le Guillou
IA-IPR de Sciences et Vie de la Terre, Académie Aix-Marseille
le 30 Août 2007

La route d’Aix à Avignon ne donne plus aujourd’hui de Lambesc, qu’une image fugitive entièrement accaparée par l’imposante coupole de son église aux allures byzantines. Evanouie la prospérité d’antan que lui valait sa position de carrefour entre Aix, Salon, Arles et Avignon, lieu obligé des transhumances entre Crau et Alpes. Enfouies aussi les peurs d’hier nées du tremblement de terre qui frappa la région le 11 Juin 1909 et dont la cité se relèvera amputée de la flèche de son clocher, de l’hôtel de Janet et de quartiers entiers, rasés. Et pourtant, à l’occasion d’un acte notarié, d’une manifestation comme l’inauguration du collège, construit selon des normes parasismiques ou encore de la célébration à venir du centenaire du tremblement de terre, on se souvient.

On se souvient de l’événement. Les cartes postales de l’époque témoignent des dommages occasionnés aux habitations. Des dommages estimés à 200 millions d’euros (référence 1982). On peut encore s’en imprégner en visitant les ruines de Vernègues. Mais, c’est surtout des blessés et des morts dont on se souvient. 46 morts et 250 blessés. Un drame humain qu’aujourd’hui la science explique mieux, notamment grâce aux travaux coordonnés par les chercheurs du Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences de l'Environnement installé au Plateau de l’Arbois et qui ont montré que c'est la faille de la Trévaresse qui a cédé ce jour là provoquant un séisme d’une magnitude estimée entre 6 et 7. Cette faille est associée à un pli anticlinal de rampe “forcé” à vergence sud qui s’est développé sur la faille inverse de la Trévaresse du Miocène terminal au Pliocène et probablement après le Pleistocène inférieur.

Ce que l’on oublie par contre, c’est que la répétition d’un événement de même ampleur serait à l'origine d'une catastrophe sans commune mesure, évaluée selon une simulation effectuée en 1982 à près de 1000 morts, 5000 blessés et plus de 700 millions d'euros de dégâts (référence 1982). Qu’en serait-il aujourd’hui, vingt-cinq ans après cette simulation, alors que l’urbanisation et la pression démographique n’ont fait que s’accroître dans cette contrée méridionale particulièrement convoitée ?

L’aléa existe bel et bien. Les géologues savent que la plus grande partie des séismes se produit aux frontières de plaques. Ils savent cartographier les zones sismogéniques et la région de Lambesc affectée par le séisme de 1909 a fait l’objet d’une étude systématique qui révèle un système de failles auquel appartient la faille de la Trévaresse impliquée dans le séisme de 1909. Le système de failles est encore actif aujourd'hui. Cependant ses déplacements sont très lents (moins de 0,1 mm par an), si on les compare à ceux de Sumatra qui présentent des vitesses annuelles de 2 à 3 cm.

Mais si les géologues savent localiser les zones sismiques, ils ne savent toujours pas prévoir le moment du déclenchement des tremblements de terre. Au moins ces travaux devraient servir aux aménageurs pour prendre les décisions qui s’imposent quand il s’agit par exemple d’implanter une centrale nucléaire ou un réacteur expérimental… Savoir que quand un séisme s’est produit en un lieu, un autre séisme se reproduira dans les décennies ou les siècles suivants permet déjà de faire une prévision à long terme. Les géologues parviennent parfois à faire une prédiction à moyen terme (quelques mois à quelques années). Cependant, la seule prévision qui vaille, la prévision à court terme (quelques jours à quelques semaines) reste incertaine et les résultats de la simulation effectuée en 1982 devraient faire réfléchir tout autant les décideurs que la société civile de qui ils tiennent leur légitimité politique pour enfin déboucher sur la mise en œuvre d’une authentique culture du risque encore à fonder dans notre pays.

Des initiatives existent. Et parmi elles, celle que développe Estelle Bonnet-Vidal au Collège Jean Guéhenno de Lambesc, qui montre beaucoup d’opiniâtreté à vouloir faire du risque un enjeu de la formation des élèves. Ce n’est pas chose simple. Non pas qu’elle rencontre une quelconque hostilité. Non. Mais, les préoccupations sont ailleurs et dans ce contexte le travail qu’elle a entrepris est pionnier.

On souhaite ardemment que de marginale, l’éducation aux risques acquiert enfin un statut à part entière dans une société techno-scientifique où chacun est confronté non seulement aux risques qualifiés de naturels mais aussi aux risques technologiques et industriels.

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